La coopération entre les régions de France et les Länder de l’Allemagne est une longue tradition. Quel avantage voyez-vous dans cette coopération régionale ?
Nadia Pellefigue : L’Occitanie est une région innovante, qui consacre 3,5 % de son PIB à la recherche et au développement. Ce chiffre est porté par nos industries comme l’aéronautique et ses 800 entreprises, dont Airbus qui a son siège à Toulouse. Ceci a créé des liens historiques et naturels avec des Länder comme celui d’Hambourg, par exemple. La Saxe est un territoire avec lequel jusqu’ici nous avions moins d’échanges, mais j’y vois une collaboration pleine d’avenir ! Nous sommes deux régions transfrontalières avec une belle dynamique économique, culturelle, d’enseignement supérieur et de recherche. Sur ce dernier point, je pense bien entendu à la Technische Universität Dresden, ou encore à la forte concentration des instituts de recherche Fraunhofer.
Plus de 30 ans après la réunification allemande, la coopération franco-allemande demeure peu présente en Allemagne de l’Est – qu’il s’agisse de l’économie, du tourisme ou des échanges franco-allemands de jeunes. Comment ammener plus de France en Allemagne de l'Est ?
Katja Meier : Il est nécessaire pour chaque Land d’Allemagne de disposer d’une stratégie pour initier et maintenir le contact et la coopération avec la France. Les relations interrégionales sont essentielles pour la réussite d’une Europe unifiée. Les Länder de l’Est devraient porter leur attention sur les particularités « est-allemandes », surtout en ce qui concerne leurs relations avec la France. Comme l’étude sur la coopération entre la France et l’Allemagne de l’Est le démontre, une coopération qui implique une frontière directe comporte des priorités particulières, comme avec la « stratégie France » de la Sarre par exemple. Cela ne nous empêche pas de nous inspirer des stratégies du Bade-Wurtemberg ou de la Sarre. Ici, en Saxe, nous travaillons de manière intense sur notre « stratégie France ». Nous avons pour point de départ les contacts déjà existants : les collectivités publiques, les établissements scolaires et les associations ayant un lien avec la France. L’étape suivante consistait pour nous à identifier les intérêts politiques principaux communs avec les partenaires en France. En ce qui nous concerne, il s’agit de la région Occitanie. Ainsi, l’année dernière, mon homologue d’Occitanie Nadia Pellefigue et moi-même avons trouvé quelques points communs entre nos deux régions, à savoir nos expériences communes en tant que régions frontalières et notre « bataille contre l’extrême droite », mais aussi l’attention que nous portons à la jeunesse et à la culture. Ensemble, nous travaillerons sur ces priorités et construirons notre partenariat régional sur cette base-là.
Avec ses partenaires en Occitanie et en Saxe, l'OFAJ tente de motiver davantage de jeunes à s'intéresser au pays partenaire. Quel avenir souhaitez-vous pour ce partenariat régional ?
Nadia Pellefigue : Je suis très heureuse de ce rapprochement avec la Saxe. Nous sommes deux régions frontalières avec des valeurs communes européennes de solidarité et d’écologie. Nous souhaitons ensemble poursuivre la dynamique actuelle auprès des jeunes dits « JAMO » (jeunes ayant moins d’opportunité), mais aussi promouvoir cette destination auprès des étudiants. Pour ce, nous nous appuyons sur des acteurs du territoire qui font un travail exceptionnel, je pense à l’association Roudel et ses partenaires à commencer par Europa-Direkt e. V. Je tiens à souligner aussi la chance et les opportunités qu’offre la panoplie d’outils de financements de l’OFAJ, par exemple avec le Volontariat Franco-Allemand des territoires.
Nous souhaitons aussi renforcer les liens entre les communes d’Occitanie et de Saxe, et ensemble réinventer le concept de jumelage : plus de coopération économique, plus d’échanges de bonnes pratiques, notamment sur la lutte contre le changement climatique et sur la transition énergétique.
Lors de notre rencontre en novembre avec Katja Meier, nous nous sommes aussi trouvées sur des valeurs environnementales et humanistes communes, des actions contre le racisme et pour la tolérance pourraient être engagées.
En juillet 2021, vous avez pris la présidence de la conférence des ministres de l’Europe des Länder (EMK). Quelle conclusion tirez-vous de ce mandat particulier ?
Katja Meier : Lors des 12 derniers mois, nous avons vu combien l’Europe et notre travail pour l’Europe sont importants. Nous faisons face à plusieurs crises en même temps : parmi les plus graves, on peut mentionner la crise sanitaire, la crise climatique et la guerre en Ukraine – une guerre qui enfreint le droit international.
Au début de sa présidence, le Land de Saxe a adopté un programme axé sur cinq priorités : la coopération transfrontalière, l’État de droit, la migration et les personnes réfugiées, la citoyenneté européenne, le Green Deal européen et la crise climatique.
Ces priorités ont été complétées par des sujets d’actualité. Dans le cadre de l’EMK, nous y avons porté toute notre attention. D’une part, j’ai discuté avec des ministres et des personnalités de haut rang. Ensemble, nous avons défini nos priorités d’action et pris des décisions. D’autre part, nous avons porté ces sujets européens au grand jour, notamment lors du Forum de jeunes entre l’Allemagne et la Pologne, qui a eu lieu pendant la 87e édition de l’EMK à Chemnitz. J’ai des souvenirs très précis des jeunes qui ont demandé aux ministres de prendre position sur des sujets tels que la crise climatique, l’égalité des sexes et le pluralisme des médias.
Le déroulement de la deuxième moitié de notre année de présidence a été marqué par la guerre en Ukraine et les violences et atrocités qui en découlent. Le 25 février 2022, juste après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nous avons publié un arrêté. Il a été suivi d’une discussion approfondie quant au contenu de la 89e EMK à Bruxelles, en compagnie de l’ambassadeur d’Ukraine auprès de l’Union européenne, Vsevolod Chentsov. J’ai été très impressionnée lorsque l’ambassadeur a clairement souligné que nous devons sans cesse promouvoir l’idée et les valeurs européennes.
J’en tire la conclusion suivante : nous devons continuer à débattre de l’Europe dans laquelle nous voulons vivre et de ce que l’Europe signifie pour nous.
La Quinzaine franco-allemande de l’Occitanie (QFAO) est devenue un rendez-vous important dans l’agenda de la région. Pourriez-vous nous en dire plus sur l’édition de cette année ?
Nadia Pellefigue : La QFAO est née en 2017 dans un contexte de montée des nationalismes et d’une jeunesse qui se détourne de l’Europe. Une envie d’agir davantage pour le rapprochement des peuples et une idée venue lors d’un rendez-vous entre Marie-France Marchand-Baylet, présidente de la Fondation Groupe Dépêche et l’Ambassadeur d’Allemagne alors en poste, à laquelle la région Occitanie a souscrit immédiatement. La QFAO était lancée, avec un objectif simple : célébrer l’amitié franco-allemande en la tournant vers l’avenir et en montrant la diversité du lien qui nous unit. Je pense à la culture, aux acteurs de l’éducation, de la santé, de la citoyenneté, mais aussi en ce quoi la QFAO constitue un temps fort de renforcement des liens économiques. Cet événement annuel est organisé alternativement en Occitanie et en Allemagne. Après une édition 2021 en Occitanie, c’est au tour de l’Allemagne d’accueillir la 4e édition en 2022. Elle débutera le 17 novembre à l’Ambassade de France à Berlin et se terminera le 30 novembre 2022 à Hambourg. Plus de 60 événements sont déjà en cours de préparation, mais vous pouvez toujours y participer en déposant un dossier avant le 15 septembre sur https://15francoallemandeoccitanie.fr/
À l’automne 2021, l’OFAJ a créé un réseau régional à Toulouse pour les travailleuses et travailleurs sociaux de jeunesse d’Occitanie et de Saxe. Lors de l’inauguration, vous avez évoqué le partenariat régional que vous souhaitiez mettre en place avec l’Occitanie. Comment voyez-vous l’avenir de ce projet ?
Katja Meier : Je suis convaincue du potentiel et des possibilités d’un partenariat régional avec la région Occitanie. Il me tient à cœur que nous signions un accord rempli de projets concrets. C’est pourquoi je me suis personnellement rendue à Toulouse en octobre dernier. Nous avons déjà défini des thèmes de coopération : la jeunesse, la culture, l’égalité et aussi la politique industrielle doivent jouer un rôle particulier. Le partenariat régional avec l’Occitanie a également été inscrit comme objectif dans nos priorités pour la politique européenne du Land de Saxe.
Au niveau de la société civile, nous participons déjà activement aux semaines festives franco-allemandes de la région Occitanie, depuis l’année dernière. Cette année, une exposition commune aura lieu à la manufacture de porcelaine de Meißen. Les faïences de la ville française de Martres-Tolosane (en Occitanie) seront exposées avec la porcelaine de Meißen.
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