Le Traité de coopération franco-allemande, signé au Palais de l’Élysée le 22 janvier 1963 par le président Charles de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer, est aujourd’hui le symbole de la réconciliation franco-allemande. Toutefois, le rapprochement entre les deux pays n’a pas commencé avec ce traité. Sa signature n’a été possible que parce que les bases d’un accord entre les gouvernements et les sociétés avaient été jetées au fil des années précédentes. À titre d’exemple, on peut citer le plan Schuman de 1950, les premiers jumelages conclus depuis le début des années 1950, ou encore les deux voyages d’Adenauer et de De Gaulle en France et en Allemagne de l’Ouest en juillet et septembre 1962, par lesquels ils se sont assurés du soutien des deux sociétés pour ce rapprochement.

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Le traité est précédé d’une déclaration commune, où se trouve la seule mention de la « réconciliation », « événement historique qui transforme profondément les relations entre les deux peuples ». La première partie du traité – « organisation » (I.) – établit des consultations régulières entre les chefs d’État ou de gouvernement et leurs ministres. Ce cadre organisationnel est complété par la partie « programme » (II.). Dans le domaine des affaires étrangères (II. A.), avant toute décision importante, il faut « parvenir, autant que possible, à une position analogue ». Dans le domaine de la défense (II. B.), les deux pays s’efforcent de « rapprocher leurs doctrines en vue d’aboutir à des conceptions communes ». Enfin, les deux parties précisent leur coopération pour l’éducation et la jeunesse (II. C.) afin d’intensifier l’enseignement de la langue du partenaire et de développer les relations scientifiques et universitaires. En outre, la fondation d’un Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ) est annoncée. Il sera créé le 5 juillet 1963, lors du premier sommet franco-allemand à Bonn. Comme les questions d’éducation relèvent du champ de compétences des Länder, un poste de ministre plénipotentiaire pour les relations culturelles avec la France a été créé, assuré par un ministre-président d’un des Länder, qui est le partenaire du ministre français de l’Éducation.

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La coopération économique n’est pas incluse dans le périmètre du traité. Dès cette époque, un réseau dense de contacts entre acteurs économiques des deux pays existait cependant. Elle n’est mentionnée qu’à la marge pour ne pas empiéter sur le domaine des communautés européennes (les traités de Rome avaient été signés en 1957). La culture – au-delà de l’éducation et de la jeunesse – ne figure pas non plus dans le traité. En RFA, ces questions relevaient des Länder, mais surtout, côté français, le ministère des Affaires étrangères, en concurrence avec le nouveau ministère de la Culture, ne voulait pas laisser le ministre et écrivain André Malraux s’emparer des relations culturelles de la France avec l’Allemagne.

Ce traité a été, dans sa forme juridique, très largement improvisé. À l’origine, les deux gouvernements avaient l’intention de signer un protocole, mais pour éviter une contestation des Länder compétents pour l’éducation, il était nécessaire d’en faire un traité, impliquant débat et ratification par les deux parlements. En juin 1963, après des échanges houleux, le Bundestag a imposé l’adjonction d’un préambule, précisant que cette coopération avec la France ne remettait en cause ni la relation aux États-Unis d’Amérique – en particulier l’implication de la RFA dans l’OTAN – ni les communautés européennes existantes (l’Europe des Six). De Gaulle a réagi avec dépit, affirmant que le traité était désormais vidé de son sens. La décennie suivante a été marquée par des tensions politiques franco-allemandes entre les successeurs d’Adenauer d’une part, et de De Gaulle puis Pompidou de l’autre, mais les relations sociétales, notamment les rencontres de jeunes et les jumelages se sont considérablement intensifiés. Depuis le milieu des années 1970, le traité est devenu le cadre qui a permis d’approfondir le travail de compréhension et de partenariat bilatéral. À partir de son 20e anniversaire, la symbolique du traité de l’Élysée a été régulièrement mise en valeur et la « réconciliation » franco-allemande est devenue un élément incontournable du discours bilatéral.

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Certes, et jusqu’à aujourd’hui, Paris et Bonn ou Berlin n’ont pas toujours partagé des positions communes en matière de politique étrangère et de défense et même en matière d’enseignement, les objectifs n’ont pas été tous atteints. Mais la force du traité réside dans l’organisation des consultations, encore systématisées par la suite, et dans l’action multidimensionnelle menée à l’égard de la jeunesse. Évidemment, un demi-siècle après sa signature, et face aux nouveaux défis de la société, il était nécessaire d’opérer une mise à jour et le traité d’Aix-la-Chapelle de janvier 2019 est souvent qualifié de « traité de l’Élysée 2.0 ».